lundi 18 septembre 2017

Le sang des femmes


A paraître le 20 septembre, cette réédition mise à jour sur les menstruations : tabous et réalités. Écrit par une médecin (médecienne ?), la docteure Hélène Jacquemin Le Vern : c'est très factuel et didactique, en deux parties. Une première partie sur les règles à travers les âges et les cultures humaines, les mythologies et les injonctions (patriarcales), les fantasmes. Et partie 2 : le sang menstruel (qui n'est pas du sang, puisqu'il ne coagule pas) au cours de la vie des femmes. Règles, contraception, troubles et maladies, grossesse, aménorrhée, et enfin, ménopause (qui n'est pas une maladie contrairement à certaine dramatisation médicale), tout est abordé. C'est très "tiret à la ligne", sans prétention littéraire, et c'est très bien. A mettre entre toutes les mains de 11 à 60 ans. Pour en finir avec les mystifications, les dramatisations, et les fantasmes.

oOo

En faisant des recherches sur Françoise d'Eaubonne (Fd'E), je suis tombée sur cette archive de Médiapart pour le dixième anniversaire de sa disparition en 2005. L'auteur de l'article se remémore son dernier roman paru en 2003, L'évangile de Véronique, donnant très envie de le lire. Je l'ai trouvé sur MarketPlace d'Amazon, leur plateforme de revendeurs. Le mien, en très bon état, m'a été envoyé par une boutique d'association humanitaire à destination des enfants. Un "évangile de lumière" : un chef d’œuvre féministe. Par l'ampleur du récit et son érudition, il m'a rappelé Les Guérillères de Monique Wittig, c'est dire !


Je mets cette lecture sous le même titre, car c'est aussi une affaire de sang, le sang des femmes et le sang du Christ. Véronique (Vera Icona) a-t-elle existé ? Mystère. " Une tradition gnostique identifie Sainte Véronique à l'hémoroïsse guérie par le Christ peu avant le calvaire ", écrit Françoise d'Eaubonne. Peu importe, puisqu'elle est le prétexte pour l'anarchiste d'inspiration chrétienne qu'est Fd'E à écrire un évangile de femme, témoin distant, hors du cercle des apôtres et de la famille, puisqu'elle ne rencontre le Christ que trois fois. Véronique souffre de ménorragie ou hyperménorrhée : règles abondantes et prolongées, une affection très commune. Sauf que Véronique est juive, donc "impure" en période de règles selon la tradition hébraïque misogyne, et les siennes ne s'arrêtent pas. Le Christ, par un simple contact avec son manteau va la guérir involontairement. Véronique est tisserande artisane. Elle tisse des pièces de lin sur commande. Elle est amie avec Marie de Magdala, qualifiée de "prostituée" par les quatre évangiles canoniques : Fd'E en fait une femme libre, qui a des amants, elle est dans le premier cercle des fréquentations du Christ qui l'apprécie bien. La deuxième rencontre ce sont les marchands du Temple et la grosse colère de Yaésou, moment où Véronique pense que s'il continue comme ça, il va énerver le Sanhédrin ! Enfin, la troisième rencontre, c'est lors de la montée vers le supplice, où par un pur geste de compassion, Véronique éponge le visage ensanglanté du Christ avec un voile de lin. C'est la seule fois où ils se voient en face. Véronique ne fait bien sûr pas partie des "saintes" femmes qui témoignent de la résurrection du Christ : elle est même plus que dubitative. Elle est amie avec une "domina" romaine qui n'y croit pas non plus, et qui lui donne même une explication plausible de ce qui se serait passé ! A 70 ans, proche de la mort, Véronique repensant au Christ se dit qu'il est peut-être quelque part, au même âge qu'elle. Ceux qui l'inquiètent, ce sont Simon Pierre et sa dureté envers les femmes, un certain Paul, ex percepteur de l'occupant romain, converti prosélyte qui répand partout la doctrine du Christ, et l'ecclesia en devenir dont elle soupçonne qu'elle va perpétuer la tradition juive haineuse de la "race des femmes".
C'est beau, c'est magnifiquement écrit, c'est érudit, c'est féministe. Et c'est épuisé chez l'éditeur ! Mais qu'est-ce qu'on attend pour rééditer cette auteure fabuleuse qu'était Françoise d'Eaubonne ?

Et je reviens au Sang des femmes de Hélène Jacquemin Le Vern. A propos de l'hémorroïsse, dans la première partie du livre, voici ce qu'elle écrit comparant la tradition juive et la "révolution" christique/chrétienne :
" Face aux prescriptions bibliques qui régissaient la vie de la communauté juive où il a pris naissance, le ministère de Jésus est placé sous le signe de la transgression. L'épisode de l'hémorroïsse raconte l'histoire d'une femme atteinte d'hémorragies génitales rebelles depuis plusieurs années, guérie après avoir délibérément touché le vêtement du Christ. Cette femme a sciemment transgressé la loi d'impureté judaïque, ce que Jésus à reconnu devant la foule comme un acte de foi, plaçant ainsi la foi au-dessus de la Loi. Jésus n'a pas ajouté d'interdits sexuels précis aux prescriptions de l'Ancien Testament. Il a même supprimé la suspicion juive de l'impureté des femmes. "

Quoiqu'il en soit, tordons de coup aux fantasmes. les règles ne sont rien d'autre qu'un signe de bonne santé et une promesse de vie : votre corps fonctionne bien, il est prêt pour une éventuelle grossesse, il n'y a pas d'obligation, c'est juste le rappel d'une potentialité. Il faut vraiment être vicieux comme des tenants de toutes obédiences patriarcales pour y voir un signe de mort et d'impureté.


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